LA RÉVOLUTION TURQUE 89 fait les calculs qu’on leur a prêtés, il se pourrait qu’elles en fussent, en définitive, les mauvaises marchandes. Loin que la crise actuelle aboutisse à une dislocation ou à un affaiblissement de l’Empire ottoman, les réformateurs ont, au contraire, l’ambition de le galvaniser et de le soustraire aux influences trop envahissantes des puissances étrangères, quelles qu’elles soient ; et déjà l’on annonce que le nouveau gouvernement demanderait une révision des contrats relatifs au chemin de fer de Bagdad. En Allemagne cependant, ni la presse, ni l’opinion ne semblent s’émouvoir; peut-être espère-t-on que le Sultan restera, à la fin, « le maître de l’heure » ; peut-être sait-on, à Berlin, ses secrets desseins depuis que le baron Marschall est venu conférer avec l’Empereur et avec le prince de Bülow ? En Angleterre, la presse et l’opinion restent favorables au mouvement du Comité Union et Progrès ; elles voient avec plaisir l’arrivée au pouvoir d’un parti qui se réclame des idées libérales anglaises et françaises, et surtoutl’effondrement d’un gouvernement auquel l’Allemagne semblait avoir lié ses intérêts et qui avait pour elle des complaisances particulières. Mais, s’il y a une Jeune-Turquie, il y a aussi une Jeune-Égypte ; il y a un khédive, vassal du Sultan, que son peuple sollicite de donner, lui aussi, une Constitution, de régénérer l’Egypte, de la libérer de l’étranger. Voilà, pour l’Angleterre, une préoccupation. 11 y en a d’autres pour toutes les puissances. Les sympathies de l’Europe pour le mouvement « jeune-turc » sont réelles, mais elles sont conditionnelles. Et déjà le programme du cabinet présidé par Kiamil-pacha a causé quelque surprise : il annonce qu’il « s’efforcera de supprimer, avec le consentement des Etats intéressés, les formes exceptionnelles dont les sujets de quelques États jouissent en Turquie en dehors des règles générales du droit international, en vertu de cer-