408 LA ROUMANIE ses succès, qui sauvèrent l’armée russe, furent, pour toutes les puissances, une révélation ; le jour du dernier assaut de Plevna, la Roumanie, par le courage de ses soldats et l’énergie de son souverain, acquit droit de cité en Europe : le pays y gagna son indépendance et le prince sa couronne royale. Au traité de Berlin, la Roumanie dut céder la Bessarabie méridionale que la Russie avait perdue par le traité de Paris et qu’elle tenait à honneur de recouvrer, mais elle reçut en compensation la Dobroudja1. L’avenir a prouvé qu’en dépit des apparences, elle n’avait pas perdu au change. La Dobroudja est une terre vierge, une terre de colonisation que les Roumains mettent aujourd’hui en valeur, et surtout ils ont acquis, avec le port de Constantza, une fenêtre sur le monde extérieur. C’est par Constantza que la Roumanie respire. Les premiers mois qui suivirent le traité de Berlin furent pour la Roumanie et son roi une période d’incessantes alarmes. On croyait alors que la Bulgarie, affranchie par les victoires russes, resterait sous la tutelle étroite du Cabinet de Pétersbourg. La Roumanie dut subir le passage, sur son territoire, d’une route d’étapes pour le ravitaillement et la relève de l’armée qui occupait la Bulgarie2; certains corps russes se com- 1. La Dobroudja est plus étendue de 3.500 kilomètres carrés que les districts de la Bessarabie repris par la Russie, mais elle est moins peuplée et moins riche. 2. L’article viii du traité de San-Stefano disait: «Les troupes d’occupation russe en Bulgarie conserveront leurs communications avec la Russie non sei^lement par la Roumanie, mais aussi par les ports de la Mer Noire. » La Russie disposait ainsi du territoire roumain sans consulter la Roumanie; les Roumains en furent mécontents. Gort-chakof le prit de très haut et dit au représentant de la Roumanie • « Est-il vrai que votre gouvernement ait l’intention de protester contre le huitième article du traité...? L’Empereur, déjà mal disposé envers vous par votre attitude au sujet de la Bessarabie, perdra toute patience si une pareille déclaration est faite. S. M. m’ordonne de vous dire, pour l’information de votre gouvernement, que si vous avez l’intention de protester contre l’article en question ou de vous y opposer, elle