DE LA JEUNE TURQUIE 107 le fonctionnement normal de la machine gouvernementale exerce un effet régulateur sur la marche générale de la vie nationale, mais la méthode d’autorité peut avoir aussi ses avantages. Si l’on compare les réformes réalisées par les Jeunes-Turcs avec la masse de celles qui restent à accomplir, on est porté à trouver leur œuvre insignifiante ; mais, si on les mesure au temps dépensé et aux difficultés surmontées, on est enclin à un jugement plus équitable. Essayons de suivre dans ses diverses branches l’activité réformatrice du nouveau régime. Il serait à peine exagéré de dire que la seule réforme qui tienne vraiment au cœur des Jeunes-Turcs, c’est celle de l’armée ; à celle-là seulement ils ont apporté une énergie, un esprit de suite qui leur auraient fait f dre des merveilles s’ils l’avaient appliquédans tous les autres domaines. En réalité, ce peuple est resté militaire avant tout ; il a fait sa révolution beaucoup plus par nationalisme, pour sauvegarder son indépendance et sa dignité nationale, que par amour de la liberté politique; aussi a-t-il commencé sa régénération par l’armée. L’influence do Mahmoud-Chefket pacha et de ses collaborateurs s’est exercée vigoureusement dans ce domaine où ils étaient compétents. L’outillage a été amélioré et complété; les artilleurs ont appris à se servir du matériel neuf acheté chez Krupp par Abd-ul-Hatnid; sous l’impulsion de Yon der Goltz pacha et des instructeurs allemands, officiers et soldats ont beaucoup travaillé, et les grandes manœuvres qui ont rassemblé, à l’automne 1910,70.000 hommes dans la plaine d’Andrinople, ont révélé aux observateurs impartiaux les progrès accomplis. La révision des grades, après la chute d’Abd-ul-Hamid, a permis d’ôter les grands commandements aux généraux de cour et d’éliminer beaucoup d’officiers ignorants. Les troupes ont été réparties en trente-neuf divisions et quatorze corps d’armée, sans