376 CINQUANTE ANS DE RÈGNE Le mariage de ses fdles et de ses fils l’a fait parent ou allié de la plupart des grandes familles régnantes; les cours européennes ont pour lui les égards respectueux qu’elles témoignaient au vieux roi Christian de Danemark; comme lui, Nicolas est un des « grands-pères » de l’Europe. Sa noble figure, rehaussée par le piédestal de ses montagnes, auréolée des exploits de sa jeunesse, se dresse au seuil de l’Orient, comme une survivance des temps héroïques où les affaires n’avaient pas encore envahi toute la politique et où l’on savait combattre et mourir pour la foi et la liberté. Mais, tout en bénéficiant de son prestige de personnage d’épopée, le prince Nikita sait être un homme d’Etat très moderne, très réaliste, qui possède à fond l’art subtil des contre-assurances et des doubles garanties. Sa politique est un chef-d’œuvre de souplesse et de doigté ; elle ne manque même pas d’un grain de cette duplicité que l’on reproche aux faibles, pour qui elle est une nécessité, et que l’on admire volontiers chez les forts, pour qui elle n’est que fourberie. C’est ainsi que le prince Nicolas a su faire de son tout petit Etat une pièce importante dans le jeu de la politique européenne, et de sa minuscule capitale l’un des centres où se décide le présent et s’élabore l’avenir. IV L’Europe apprit, non sans surprise, un jour d’octobre 1905, que le prince Nicolas de Monténégro venait d’octroyer une constitution à ses sujets : il y aurait désormais, à Cettigne, une Chambre élue, un ministère responsable. Jusque-là, le prince Nicolas avait, selon la tradition de ses pères, exercé seul un pouvoir illimité