LE BOYCOTTAGE 287 gation, de la presse, ne peuvent pas être restées sans effet. C’est là un fait nouveau et considérable. Il montre que, dans certaines conditions, la guerre économique ainsi comprise peut conduire au succès quand la guerre militaire conduirait inévitablement à l’échec. Militairement la Turquie était moins forte que l’Àutriche-Hongrie, la Chine que le Japon ou les États-Unis. Le boycottage, pour être efficace, pour être même possible, exige certaines conditions particulières que nous avons trouvées dans le cas de la Chine comme dans celui de la Turquie : le pays qui peut pratiquer avec succès le boycottage est celui qui est importateur de produits fabriqués, qui sert de débouché aux nations industrielles et qui, au contraire, pour sa nourriture, se suffit à peu près à lui-même; s’il est industriel ou s’il a besoin des blés ou des riz de ses voisins, il s’expose à de dangereuses représailles. C’est pourquoi le boycottage ne peut être efficace qu’entre deux pays qui n’ont ni la même vie, ni la même organisation économique. Entre deux grandes puissances européennes, il causerait, d’un côté comme de l’autre, des pertes et des souffrances sensiblement égales ; il équivaudrait à une guerre de tarifs poussée jusqu’à la prohibition. Si donc le boycottage peut devenir une arme redoutable, il ne saurait être une arme utilisable dans toutes les circonstances1 : il restera toujours d’un maniement dangereux 1. En 1908 et 1909 les Tchèques ont essayé d’organiser un boycottage des produits allemands. Le résultat a été médiocre. En représailles, le directeur de l’Union pangermanique lança un manifeste dans lequel il déclarait que c’était un devoir national de boycotter les Produits tchèques et en particulier la bière de Pilsen. Les Allemands boycotter la Pilsen ! Ce fut un éclat de rire. — Entre la Bohême tchèque les pays allemands qui l’entourent les relations économiques sont trop importante, elles portent sur des articles trop variés et trop indispensables pour qu'un boycottage puisse réussir. En pareil cas, le boycottage peut ne porter que sur un seul article ; par exemple au commencement de janvier 1909, les meuniers suisses décidèrent de ne pl is acheter de céréales en Allemagne ; la menace contribua à rendre les négociants allemands plus traitables.