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INTRODUCTION
  La paix faite, le Roi commença, d’abord avec lord Lansdowne, et ensuite avec sir Edouard Grey, l’habile travail diplomatique qui, en quelques années, allait placer l’Angleterre au centre d’un réseau d’alliances et d’amitiés qui assure sa sécurité pour tous les cas. Il choisit ses partenaires : les circonstances lui imposaient son adversaire. Combattre l’hégémonie là où elle tend à s’établir a toujours été la loi delà politique anglaise; cette nécessité s’accordait parfaitement avec les tendances et les sympathies personnelles d’Edouard VII. Parmi ses sœurs, l’une, l’impératrice Frédéric, avait souffert par son fils; une autre, Alice, grande-duchesse de Hesse, avait souffert par la politique prussienne : l’une et l’autre avaient légué à leur frère le souvenir de leurs larmes. Ce n’est un secret pour personne que, malgré ses efforts pour y gagner des sympathies, Guillaume II n’est pas aimé à la cour de son oncle. D’ailleurs, l’adversaire de l’Angleterre ne pouvait être que celui qui avait dit : « Notre avenir est sur l’eau. »
  Tandis que l’Angleterre se préoccupait de trouver des amitiés, il arriva que le marquis Ito vint en Europe en quête d’une alliance et d’un emprunt : à peine écouté à Paris, éconduit à Pétersbourg où on lui marchanda quelques millions, le ministre japonais s’en fut à Londres où, en quelquesjours, l’alliance fut conclue. C’était, pour l’Angleterre, une assurance contre le péril russe en Asie, une garantie de sécurité pour ses possessions du Pacifique et son commerce en Chine. On sait quelles furent les suites et comment la Russie, vaincue en Mandchourie, allait, quelques années plus tard, se rapprocher de l’Angleterre.
  La crise qui portera le nom de Fachoda et le traité qui s’ensuivit, ont achevé de vider, entre la France et l’Angleterre, le dernier litige extra-européen. La question du Nil et du Bahr-el-Ghazal une fois réglée, le partage de l’Afrique était terminé, l’ère des rivalités coloniales