148 LE PRÉSENT ET l’aVENIR DE LA JEUNE TURQUIE Tous ces incidents confirment donc nos conclusions. La révolution n’est pas finie. Nous en sommes à la période où ceux qui en ont bénéficié se divisent entre eux pour s’en disputer les profits : c’est le sort de tous les Comités omnipotents, qu’ils s’appellent Comité de Salut Public ou Comité Union et Progrès. Le voyage du Sultan en Macédoine, à Salonique, Monastir, Uskub, et sur le champ de bataille de Kossovo, a été un succès pour le Comité. Au tombeau du sultan Mourad, à Kossovo (16 juin), MehemetY a été acclamé. Cette cérémonie, en même temps qu’elle a été une commémoration et une glorification de la conquête turque, semble marquer l’avènement d’une politique d’apaisement. Ainsi que nous le verrons plus bas (ch. vi, post-scriptum), les Jeunes-Turcs ont renoncé aux méthodes violentes en Albanie. Le Sultan a accordé, à Monastir, une amnistie générale à tous les condamnés politiques; à Kossovo il a proclamé l’amnistie pour les Albanais. Mais, commentant la manifestation de Kossovo, Adil-bey, secrétaire général du Comité, a fait des déclarations dans lesquelles il a exalté l’Islam comme la religion la mieux adaptée à la civilisation moderne. Malgré quelques symptômes plus heureux sur la portée desquels il est encore impossible de se prononcer à l’heure actuelle, le passé et le caractère des Jeunes-Turcs donnent lieu de craindre qu’ils ne continuent à s’égarer dans une politique musulmane et nationaliste. Ils ont devant eux une tâche difficile, qu’ils ne sauraient achever en un jour. Ils se heurtent à une double résistance : résistance des masses, ignorantes et routinières, aux réformes hâtives, résistance des élites, saturées d’abstractions, à la leçon des faits. 1" juillet 1911.