252 UNE FORME NOUVELLE DES LUTTES INTERNATIONALES bon droit d’un petit État, s’il lui manque les moyens de le faire valoir, il est l’agneau de la fable : le droit, contre la force, ne vaut. La justice, dans les rapports internationaux, est difficile à définir ; il est encore plus malaisé d’instituer un tribunal pour en décider; enfin, il serait à peu près impossible d’assurer l’exécution des sentences du tribunal. Mais l’histoire nous montre la variabilité, selon les temps et les pays, des éléments qui, pour les peuples, constituent la force; les armes ne suffisent pas à tout. La Hollande put tenir tête à Louis XIY, et l’on voit la Pologne conquise résister aussi bien à la germanisation qu’à la russification. Une puissance formidable réside dans la masse anonyme d’un peuple : toutefois, en général, cette puissance ne se connaît pas elle-même, elle ne devient consciente qu’en s’organisant. Les événements d’Orient nous offrent un très curieux et très significatif exemple des moyens par lesquels un peuple, qui s’estime lésé, peut obtenir justice sans recourir au canon et trouve, ailleurs que dans la guerre, le moyen de faire valoir ce qu’il croit être son droit. Le boycottage des marchandises austro-hongroises dans l’Empire ottoman, depuis l’annexion de la Bosnie-Herzégovine jusqu’à la signature de l’accord austro-turc, marque une date dans l’histoire des relations des nations entre elles. Pour la première fois, en Europe, est apparue, sur le champ de bataille international, une arme nouvelle dont l’usage a déconcerté les diplomates, dérouté les chancelleries ; coup d’essai a été un coup de maître. On peut affirmer que le Cabinet de Vienne se serait résigné de moins bonne grâce à payer à la Turquie 54 millions de francs, à titre d’indemnité pour l’annexion de la Bosnie et de l’Herzégovine, si le boycottage n’avait fait subir des pertes très sensibles au commerce austro-hongrois et n’avait menacé de l’exclure des marchés •d’Orient.