ET L’ANNEXION DE LA BOSNIE-HERZÉGOVINE 219 dans les Balkans, tenir la Serbie à sa merci sans être obligée de l’envahir, pousser jusqu’au bout le succès diplomatique que, dès le début de la crise, la position difficile prise par la Russie lui fait prévoir; elle a mobilisé cinq corps d’armée ; elle donne avec complaisance à elle-même et aux autres le spectacle de sa force. Mais le jeu ne va pas sans risques ; vers le milieu du mois de mars l’anxiété est profonde à Vienne, dans les milieux gouvernementaux ; on fait figure d’intransigeance, mais on cherche avec angoisse une issue; on ajourne l’ultimatum, on prête l’oreille à toutes les combinaisons. Dès le 17, le comte de Khevenhüller-Metsch suggère à M. Pichon que si la France, la première, faisait savoir à Vienne qu’elle prenait acte de l'accord austro-turc, dont le texte venait de lui être communiqué, et que, par conséquent, elle reconnaissait le fait matériel de l’annexion, son exemple pourrait être suivi par les autres puissances, et, dès lors, la question se trouverait résolue, qu’il y eût ou non, par la suite, une conférence ; la Serbie ne serait ni formellement exclue, ni appelée, elle demeurerait en dehors du débat, mais elle n’aurait plus le tribunal d’appel auquel elle s’était, adressée. La France, n’étant pas la plus directement intéressée, pouvait difficilement prendre une initiative par laquelle elle aurait risqué d’ébranler son union avec la Russie : le projet n’eut pas de suites. A mesure que s’écoulaient les jours, les chances de paix paraissaient diminuer ; les gouvernements, à l’envi, affirmaient leurs vœux pacifiques ; l’empereur François-Joseph et l’archiduc héritier exprimaient leur désir de ne pas recourir au canon, et la partie la plus éclairée de l’opinion austro-hongroise ne voyait pas approcher, sans de vives appréhensions, la perspective d’une longue et difficile campagne en Serbie et au Monténégro et d’une occupation de Belgrade, avec toutes les difficultés diplomatiques qui en pourraient sortir.