304 LA QUESTION ALBANAISE Passé maître en bravoure comme en intrigues, ¡’Albanais fait brillante carrière au service des Sultans de Stamboul. Il gouverne l’Empire, au xvne siècle, et lui redonne le lustre de la victoire avec la dynastie des grands vizirs Kôprilu. Avec Ali de Tebelen, il tente de fonder un État turco-albanais en Épire. Avec Mousta-pba-pacha, neveu du fameux Mahmoud, pacha de Scu-tari, il écrase la révolte grecque, puis, se tournant contre le Sultan lui-même, il s’en faut de peu qu’il ne supplante la vieille dynastie d’Osman. Avec Mehemet-Ali, il galvanise l’Égypte et manque de s’asseoir sur le trône des Khalifes. Avec Ferid Pacha, il était, hier encore, grand-vizir. Abd-ul-Hamid a des ménagements tout particuliers pour les Albanais; il s’entoure d’une garde albanaise dont la présence au Palais assure aux Arnaoutes des montagnes toute sorte de faveurs et d’impunités. Ils remplissent l’armée et les fonctions publiques. Chez eux, leur obéissance est purement nominale ; sous l’ancien régime, on ne leur demande ni impôt ni service militaire régulier ; les fonctionnaires qui sont censés les gouverner n’osent pas sortir des villes, parfois même pas de leur konak. Les Albanais sont les favoris de l’ancien régime turc, et ils en abusent. Lorsqu’éclatent les troubles de Macédoine, ils se font les auxiliaires de la politique d’Yildiz; ennemis séculaires tant des Serbes, qu’ils travaillent depuis longtemps à « albaniser » par la terreur, que des Bulgares et des Grecs, ils profitent des troubles pour usurper, avec la complicité des autorités oltomanes, de vastes étendues de terres. Quand Hilmi-pacha inaugure, dans les vilayets macédoniens, les réformes réclamées par l’Europe, de Yildiz un ordre vient de laisser les régions peuplées d’Arnaoutes en dehors du cont rôle européen. Tandis que Serbes, Bulgares, Turcs, Grecs et Valaques s’entre-détruisent avec une rage indicible, l’Albanais, lui, chemine peu à peu, s’avance