188 l’annexion de la bosnie-herzégovine elle pense aussi que l’Europe peut ratifier le fait accompli, si l’Autriche veut bien admettre qu’il y a eu des droits lésés, des intérêts alarmés, des espérances trompées, des susceptibilités blessées et que, pour tout cela, il y a quelques concessions de fond et de forme à faire. Vis-à-vis des Etats slaves du Balkan, la France a aussi des traditions de sympathie qu’elle ne peut pas oublier ; ses principes démocratiques et son histoire l’obligent à ne pas rester sourde aux plaintes des nationalités qui se tournent vers elle comme vers le pays de la Révolution émancipatrice. Une politique qui renouvellerait, avec un succès plus durable, les tentatives du baron Band’y et du comte Badeni pour donner aux Slaves une plus grande place dans le gouvernement de ¡’Empire austro-hongrois, ne saurait manquer de trouver chez nous un bon accueil. Il n’en serait pas de même d'une politique qui, à l’extérieur de l’Empire, chercherait à prendre le patronage et l’hégémonie des Slaves, qui se mettrait par conséquent en opposition directe avec la Russie et s’engagerait à fond dans la direction de la Macédoine et de Salonique. La France ne pourrait voir avec sympathie une Autriche qui serait l’ennemie à la fois de la Russie, de l’Italie, des Turcs et des Slaves du Balkan ! La Méditerranée a, de tout temps, exercé sa séduction sur l’Autriche; mais l’attrait du Sud lui a été souvent fatal ; elle a payé sa politique en Italie de sa prépondérance en Allemagne. La descente vers Salonique est, pour elle, le plus dangereux des pièges : expansion au Sud, pour l’Autriche, égale péril au Nord. L’Autriche-Hongrie, Etat fédéral, ne saurait être un Etat conquérant. Pour nous, chaque fois que nous la verrons tentée de mordre à l’appât que l’astuce de Bismarck a posé devant son ambition, nous lui répéterons, de toute la force de notre sympathie et de notre désintéressement, le cri d’alarme du vieil Horace : « Evite les flots qui baignent les lumi* neuses Cyclades ! »