LA RÉVOLUTION TURQUE * 59 sion. Elle souffrait aussi dans son patriotisme : elle accusait le Sultan de mettre le pays sous la tutelle humiliante des étrangers et de préparer la décadence définitive del’Empire. Les étrangers, l’armée les rencontrait partout : officiers allemands dans les hauts conseils de l’État-major, aides de camp italiens dans l’entourage du Sultan, fonctionnaires de toutes les nationalités dans toutes les branches de l’administration, richement payés, indépendants, jouissant de toutes les prérogatives dont les sujets du Sultan étaient privés. Mais c’est surtout en Macédoine que les officiers se trouvaient en contact avec des étrangers de plus en plus nombreux. « Agents civils » russe et autrichien ; « conseillers financiers » anglais, français, allemand, italien, chacun avec leurs secrétaires et leurs drogmans ; « général et officiers réorganisateurs de la gendarmerie », c’est tout un nombreux personnel européen qui, dans les trois vilayets de Macédoine, contrôle toutes les branches de l’administration et du gouvernement. Des officiers autrichiens, russes, français, anglais, italiens, séjournent jusque dans les petites villes de la Macédoine; un major allemand dirige l’école de gendarmerie ; leur autorité, si limitée qu’elie soit, leur donne cependant en pratique le droit de commandera des officiers ottomans, et surtout, ils sont des témoins gênants dont la présence ajoute, aux soutlrances de l’armée turque, l’humiliation de les savoir connues. Tout ce personnel des « réformes » n’a pas suffi à pacifier le pays ni à y faire régner l’ordre, mais sa présence blesse et irrite au plus haut point le patriotisme ombrageux des Jeunes Turcs; ils disent que l’absolutisme hamidien, tyrannique au dedans, est faible et pusillanime en face des étrangers, auxquels, si l’on n’y met ordre, il aura bientôt, morceau par morceau, livré tout l’Empire. Les chancelleries européennes, durant le printemps et l’été de l’année 1908, se sont mises d’accord sur la