368 CINQUANTE ANS DE RÈGNE léon » à titre d’arrhes. Le poète franciscain Georges Fishta, tout dévoué à l’Autriche, chantait les anciens exploits des Albanais contre l’ennemi slave et enflammait leur ardeur contre le Monténégro, « ce chiot de la Russie. » Le prince Nicolas chercha le moyen de prévenir le danger et de préparer une réconciliation de son peuple avec les Albanais du Nord. Il avait alors à Scu-tari un consul des plus distingués, M. Paul Plamenatz, dont le zèle égalait le patriotisme et le loyalisme ; il s’employa activement à persuader aux chefs de la montagne que le temps des vieilles haines était à jamais passé; quelques-uns furent gagnés et l’un d’eux alla à Cettigne où le prince lui fît l’accueil le plus flatteur. A la fin de mars, le général Voukotitch, grand maréchal de la cour princière, vint à Scutari accompagné de trois officiers; reçu officiellement par les autorités ottomanes, il prononça un toast dans lequel il déclara que, dans la guerre qui paraissait proche, les Monténégrins espéraient « l’appui des plus grands héros du monde, les Turcs. Les musulmans aussi bien que les orthodoxes serbes, continuait-il, attendent notre aide commune, aide que nous ne pouvons leur refuser ni devant Dieu ni devant les hommes. Leurs yeux comptent voir les insignes de la croix et du croissant surgir à la fois par le sandjak et par nos montagnes. » Ces premières démarches n’eurent pas de suite ; elles n’en sont pas moins significatives : le sentiment de la solidarité slave l’emporte sur la haine de l’ennemi héréditaire. L’alliance intime avec la Russie reste le fondement immuable de la politique du prince Nicolas ; deux de ses filles ont épousé des membres de la famille impériale, le grand-duc Pierre Nicolaievitch et le duc de Leuch-tenberg. Pour le Monténégro, l’alliance russe est à la fois la politique du cœur et la politique des intérêts. L’amitié des Tsars est, pour le petit État slave, une garantie de longue vie et de sécurité. Qui nuit au Mon-