LA RIVALITÉ DE L’ALLEMAGNE ET DE L’ANGLETERRE 31 prestige de son adversaire aux Indes, à Constantinople, en Extrême-Orient. La France avait à venger la récente injure de Faclioda; elle se souvenait delà jalouse opposition de l’Angleterre à son expansion coloniale, sur le Niger, sur le Congo, sur le Nil, sur le Mékong : elle pouvait réveiller la question d’Egypte, saisir quelque gage, nouer une coalition continentale, constituer une ligue des neutres. Et, de fait, ce sera sans dou'e l’éton-nement des historiens de l’avenir que les nations qui croyaient avoir à se plaindre de l’Angleterre n’aient pas saisi cette occasion pour imposer des bornes à son I empire et des limites à sa suprématie maritime. Dans la fameuse interview du Daily Telegraph, Guillaume II s’est attribué le mérite d’avoir, dans cette crise décisive, empêché la Russie et la France d’intervenir et repoussé les propositions tentatrices de Pétersbourg. M. Delcassé allègue de son côté que c’est à la loyauté de la politique française que l’Angleterre fut redevable > de la tranquillité de l’Europe. Le procès ne sera jugé I que le jour où les archives parleront. Quoi qu’il en soit :),ï d’aille irs, l’importance de cette crise dans la politique européenne ne saurait être exagérée ; les angoisses de l’Angleterre, l’effort admirable qu’elle a fait pour dompter la fortune adverse, ont exercé une influence déterminante sur sa politique. Nul mieux que le roi Edouard ne comprit le péril, nul plus résolument ne voulut les remèdes. Et d’abord la paix! Elle avait été le dernier vœu de la fi, reine mourante; elle fut le premier souci du nouveau \ Roi ; sa volonté l’imposa en dépit des résistances ; il la i voulut honorable pour les deux adversaires, afin qu’elle put devenir définitive. C’est un grand honneur pour l’Angleterre que, moins de six ans après la guerre, l’ancien commandant de l’armée des Boërs ait pu devenir, au Parlement fédéral du Cap, le président d’un ministère loyaliste.