LA RÉVOLUTION TURQUE 79 ce qui ne lui est pas particulier ou ce qui n’appartient qu’à quelques peuples musulmans. La Constitution turque n’a rien à craindre de ce légendaire « fanatisme ». Ce qui est conforme aux principes du droit canonique musulman, extraits du Coran et développés par les commentateurs, ce n’est pas l’absolutisme d’un seul, mais la liberté, l’égalité, la tolérance et la charité envers les lidèles des autres religions. Un spécialiste, auquel l’étude approfondie du droit musulman a inspiré d’ardentes sympathies pour le peuple ottoman, le comte Léon Ostrorog, l’a rappelé dans le grand journal français de Constantinople, le Stamboul. Les docteurs de la loi islamique, comme nos grands canonistes chrétiens du moyen âge, ont tiré de leurs livres saints « toute une conception intégrale du monde et de la vie. » « Quand on ouvre leurs traités, écrit le comte Ostrorog, on constate ceci : quelque huit cents ans avant Rousseau, les Encyclopédistes et la Révolution française, ils avaient nettement posé, en termes exprès, la théorie des « Droits de l’homme », la théorie de la liberté, de l’inviolabilité de la personne, de l’inviolabilité du domicile; ils avaient posé le principe qu’il n’est dû obéissance qu’à la loi et que le pouvoir du gouvernement n’est légitime qu’en tant qu’il tient la main à l’application de la loi ; bien avant les États d’Aragon, ils avaient prononcé les graves paroles : « Sinon, non ! » ils avaient condamné, prohibé le pouvoir despotique comme contraire à la volonté divine et à la logique humaine; et quand le despotisme irrité les mettait en demeure de cesser ces enseignements subversifs, ces hommes fiers et droits acceptaient le martyre plutôt que la honte d’une rétractation. » En proclamant l’égalité et la fraternité entre musulmans et non musulmans, les Jeunes Turcs sont d’accord avec les docteurs de la loi ; ils ne sont pas non plus en contradiction avec les mœurs. Les violences entre hommes de nationalité diffé-