LA RIVALITÉ DE L’ALLEMAGNE ET DE L’ANGLETERRE 17 la nécessité et pour aiguillon la dure cupidité des richesses, est l’une des formes les plus féroces de la lutte pour la vie. Entre l’Angleterre et l’Allemagne, il y eut longtemps concurrence avant d’y avoir lutte. Ce fut la grande enquête de 1885-1886, sur la baisse du commerce britannique, qui ouvrit les yeux des négociants anglais ; elle révéla leur apathie et leur routine en même temps que l'activité, la bonne organisation, l’outillage supérieur et aussi les audacieuses contrefaçons des vendeurs de « camelote allemande ». Produits souvent mauvais, mais moins chers, adaptation aux goûts de chaque pays et de chaque clientèle, emballage soigné, longs crédits, telles sont les causes que l’enquête attribue au succès des articles allemands. Chaque conquête nouvelle de l'industrie allemande résonne, comme un glas funèbre, jusqu’au cœur de la Cité de Londres, de Manchester ou de Birmingham. Tantôt c’est un bateau qui apparaît, portant le pavillon de la Hamburg-Ame-rika, et qui traverse ¡’Atlantique plus vite que ses concurrents de la White-Star : perdre un record, fût-ce au foot bail ou à la boxe, c’est, pour un Anglais, un désastre national. Tantôt c’est une statistique qui prouve que le port de Hambourg est devenu le premier du monde. Jusque sur les marchés coloniaux anglais, les produits allemands arrivent en masse tandis que les tarifs Mac-Kinley et Dingley ferment le marché des États-Unis et y préparent l’essor d’une formidable concurrence. Bien plus, les articles allemands envahissent même la métropole : on voit venir le jour où l’Angleterre achètera à l’Allemagne plus qu’elle ne lui vendra1. La panique est à son comble au moment où Edwin Williams jette son fameux cri d’alarme : « Made in Germany ! » et où il décrit, avec une verve pittoresque, l’invasion des 1. En 1903, pour la première fois, ce fait s’est réalisé : l’Angleterre a acheté et vendu à l’Allemagne pour une somme sensiblement égale : 34 millions de livres sterling. 2