106 LE PRÉSENT ET l’aVENIR vernementale est tâtonnante, incertaine; tantôt faible et tantôt brutale, elle a parfois d’heureuses initiatives, mais le manque d’ordre et de plan d’ensemble rendent stériles les eiforts les mieux inspirés; rapports, décisions, projets viennent se noyer dans une immense bureaucratie, infatuée de son importance et persuadée que, dès qu’un ordre est donné, une mesure décidée, une circulaire lancée, une réforme effective a été réalisée. C’est là un défaut général, inhérent à l’inexpérience, et d’autant plus dangereux qu’il va de pair avec des sentiments plus généreux et des intentions plus droites ; la résistance des hommes et l’inertie des choses qui, dans tous les pays, rendent la moindre réforme si difficile à acclimater, ne frappent pas les Jeunes-Turcs. Beaucoup d’entre eux ne peuvent pas comprendre qu’il ne suffise pas que la Constitution ne distingue plus entre les différentes nationalités qui peuplent l’Empire, pour abolir en un jour jusqu’au souvenir de cinq siècles d’inégalité et d’oppression et transformer les ennemis frémissants d’hier en loyaux sujets d’aujourd’hui. De telles illusions préparent bien des déboires et peuvent conduire à des fautes irréparables l. II Dans un Etat qui fait peau neuve, il serait injuste d’attacher trop d’importance à la correction constitutionnelle et légale des mesures prises ; si elles étaient excellentes, quoiqu’en contradiction avec les textes, les populations les recevraient avec reconnaissance. Certes, 1. Cf. sur toute la politique des Jeunes-Turcs,l’intéressant livre de M. René Moulin, Force et faiblesse (Je la Jeune Turquie. (Pion, 1910, in-8".) v '