LA RÉVOLUTION TURQUE 77 s’embarquer sur le courant, se laisser porter et saisir le gouvernail. La popularité môme du Comité, il ne tient qu’à lui d’en bénéficier ; s’il prend la direction du mouvement, s’il se fait le premier des Jeunes Turcs, il canalisera à son profit l’enthousiasme national. « Toute la nation fait partie du Comité Union et Progrès, disait-il récemment; et moi, j’en suis le président. Travaillons ensemble, à l’avenir, pour la vivification de la Patrie. » La Constitution lui donne le droit de gouverner, elle lui en fait même un devoir : elle lui donne le droit de nommer le grand-vizir, le cheikh-ul-islam et les ministres, de choisir les sénateurs, de dissoudre la Chambre ; il a le commandement des armées de terre et de mer; il fait la guerre et conclut la paix; il est, « à titre de khalife suprême, le protecteur de la religion musulmane ; il est le souverain et le padischah de tous les Ottomans. » (Article 4). Si le Sultan use de ses prérogatives, elles sont encore immenses ; des exemples récents ont montré comment un autocrate peut parvenir à s’accommoder d’une Constitution et d’un Parlement. Nous avons indiqué déjà le caractère « nationaliste » du mouvement « jeune turc » et nous avons montré les affinités profondes qui existent entre ce mouvement et la politique musulmane et ottomane suivie par Abd-ul-Hamid. Le différend, entre le souverain et ses «jeunes» sujets, est bien plutôt dans les moyens que dans les fins. Nous avons montré aussi que le Sultan trouvait dans la Constitution le moyen pratique de sortir des difficultés auxquelles son gouvernement l’avait acculé et de se débarrasser des « réformes », des « contrôles » et des chemins de fer européens. Cela est si vrai qu’on a été jusqu’à se demander si toute cette mise en scène n’avait pas été combinée d’avance entre le souverain et les comités. Nous n’en croyons rien, bien entendu ; mais le fait qu’on ait pu le supposer est significatif. On