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LA RÉVOLUTION TURQUE
les écoles primaires, la langue de l’enseignement serait laissée au choix des communautés; dans les écoles secondaires, l’enseignement serait mixte, le turc étant toujours l’une des deux langues enseignées ; dans les écoles supérieures enfin, le turc serait la seule langue admise : même ces prétentions raisonnables suffiront à soulever des rivalités. Mahomet II avait organisé l’Em-pire ottoman par « nations », gardant chacune leur langue et leurs coutumes, sous la direction de leurs chefs religieux; durant près de cinq siècles cette organisation s’est maintenue; aussi nulle part ne trouve-t-on des communautés nationales mieux organisées qu’en Turquie. La Constitution de 1876 consacre et maintient formellement leurs privilèges religieux, mais comment distinguer ce qui est du domaine religieux et ce qui est du domaine politique et social *? Si les Jeunes-Turcs s’avisaient de vouloir détruire tous ces organismes, qui depuis si longtemps encadrent les divers peuples de l’Empire, avant d’avoir longuement éprouvé la solidité du nouveau régime et son élasticité, iis risqueraient d’être entraînés dans des difficultés inextricables. On ne fera pas, du jour au lendemain, un citoyen libre d’un Empire « un et indivisible » avec des Arabes, des Maronites, des Druses, des Juifs, des Arméniens, des Bulgares, des Albanais. Les lois ne suffisent pas pour de pareilles métamorphoses; il faut les mœurs; il faut le temps, le seul éducateur que les peuples écoutent parce qu’il ne s’adresse qu’à leur propre expérience.
  Quand la France révolutionnaire se proclama « une et indivisible >., l’unité française était, depuis longtemps, une réalité, et pourtant, quelques mois après cette
 1.	Article 11. — L'Islamisme est la religion de l’Etat.
 Tout en sauvegardant ce principe, l’Etat protège le libre exercice de tous les cultes reconnus dans l’Empire et maintient les privilèges religieux accordés aux diverses communautés, à la condition qu’il ne
 pas porté atteinte à l’ordre public ou aux bonnes nB i.'S.