36 INTRODUCTION anglaise », disait le Président Loubet : la France, entre Pétersbourg et Londres, était l'intermédiaire naturel. Déjà, à la Conférence d’Algésiras, le comte Cassini, plénipotentiaire russe, avait eu avec sir Arthur Nicolson et sir Donald Mackenzie Wallace des conversations sur les conditions dans lesquelles une pareille entente serait réalisable. M. Isvolski, arrivé au ministère en mai 1906, reprit les entretiens. L’accord fut signé le 31 août 1907; il mit fin à cette longue rivalité « de l’éléphant et de la baleine » qui, sans amener de conflit direct entre les deux pays, avait cependant troublé si profondément la politique générale et qui attirait vers les solitudes montagneuses de l’Asie centrale ou vers les mers d’Extrême-Orient l’attention et les forces des deux peuples1. La Russie, battue par le Japon, éloignée des mers du Pacifique, n’était plus un péril pour l’intégrité de la Chine ou pour la sécurité de l’Inde; on pouvait lui faire des concessions en Perse : tel est le sens de l’accord du 31 août. L’accord du 30 juillet 1907 entre la Russie et le Japon, qui éloignait tout risque de guerre nouvelle entre les deux adversaires, la « déclaration » et 1’ « arrangement » du 10 juin de la même année, entre la France et le Japon, qui mettaient fin aux malentendus créés entre les deux pays par la guerre russo-japonaise, achèvent de donner au rapprochement anglo-russe toute sa portée. La tranquillité de l’Extrême-Orient et de l’Asie centrale assurée, tous les litiges africains liquidés, la Russie et la France devenaient libres de soucis extra-européens; la Russie reprenait sa place dans la politique balkanique, où une crise nouvelle de la question d’Orient allait s’ouvrir. 1. Voyez : La rivalité anglo-russe au xix' siècle en Asie : Golfe Persique, Frontières de l'Inde, par le D' Rouire. Arm. Colin, 1908, in-16; sur les événements qui précédèrent : André Chéradame, Le monde et ta guerre russo-japonaise. Pion, 1906, in-8°, et notre ouvrage : La lutte pour le Pacifique : Origines et résultats de la guerre russo-japonaise, Perrin, 1906, in-8".