LA RÉVOLUTION TURQUE 53 pire en tout pays le métier de mouchard, expliquent, sans les excuser, ces exécutions sommaires. Il y a peu d’exemples dans l’histoire qu’une révolution dont les conséquences promettent d’être si importantes, se soit accomplie si facilement, si simplement ; il n’y en a guère non plus qui ait trouvé moins d’adversaires et qui ait recueilli de si unanimes approbations. Tout ce qui constituait le système du gouvernement absolutiste d’Abd-ul-Hamid s’est effondré en même temps. A un régime fondé sur la crainte, quand la force manque, tout est perdu. Contre les troupes mutinées de Macédoine, le Sultan songea à recourir à celles d’Asie : elles refusèrent de marcher. Le dernier coup vint au Sultan des Albanais qui, réunis à Ferisovich, envoyèrent à Yildiz une dépêche où ils réclamaient la Constitution : or, ce sont des Albanais qui, autour du Palais, veillent sur la personne du Sultan : qui donc garderait ces gardiens? 11 fallait céder : « on peut tout faire avec des baïonnettes excepté s’asseoir dessus. » Un iradé suffit à remettre en vigueur la Constitution oubliée, mais non abolie, de 1876; des élections furent annoncées, un ministère responsable constitué ; du jour au lendemain l’Empire ottoman devint un État constitutionnel. Mais le fait dominant, dans ce bouleversement, c’est moins l’organisation sur le papier d’un régime libéral que la prise de possession effective du pouvoir et l’exercice réel du gouvernement par le Comité Union et Progrès *. Ce sont les délégués du Comité, composé surtout d’officiers, et dont les inspirateurs les plus influents paraissent être les majors Niazi-bey et Enver-bey qui, sans remplacer les organes réguliers du gouvernement, en réalité les dirigent; ce sont eux qui dic- 1. Le Comité a son principal contre à Salonique. Paris est le principal centre extérieur. Le Comité n’a ni chef, ni président, tous les membres sont égaux.