318 LA QUESTION ALBANAISE Les Mirdites, en 1879, entrèrent dans la Ligue albanaise de Prizren, et nous avons vu comment le mouvement, d’abord favorisé par la Porte, ne tarda pas à prendre un tel caractère et une telle intensité qu’on en fut alarmé à Constantinople. Le 13 décembre 1880, Dervish Pacha invita Prink-Bib-Doda à venir le voir et le fit arrêter et conduire à Castamouni, puis, après quelques années, à Constantinople. Abd-ul-Hamid le traita avec honneur, et, lidèle à sa politique, lui offrit les plus hautes fonctions, telles que, en 1888, le gouvernement du Liban; en 1905, il le nomma général de brigade et son aide de camp ; mais il refusa toujours de le laisser retourner parmi ses montagnards. Cette captivité déguisée et dorée, dans un palais où la soumission même n’était pas une suffisante garantie de sécurité, ne prit fin qu’avec la révolution de juillet 1908. Les Mirdites, privés de leur prince, envoyaient adresse sur adresse à Constantinople pour demander qu’il leur fût rendu et, en attendant, iis ne permettaient pas aux caïmakans, nommés par la Porte, de pénétrer dans leur pays. Parfois les autorités turques, profitant d’un jour de marché à Scutari, emprisonnaient quelques-uns des chefs de la montagne, mais aussitôt les Mirdites interceptaient la route de Prizren et il fallait relâcher les otages. Si le gouverneur tentait d’envoyer des bataillons dans la montagne, le consulat de France ne manquait pas de s’y opposer. La Mirditie restait donc indépendante de fait : un cousin de Prink-Doda, Marco Gion, cherchait, avec l’appui secret du gouvernement ottoman, à s’y créer une înlluence aux dépens de son parent ; mais l’autorité réelle appartenait au chef religieux des Mirdites, l’abbé d’Orosi, Mgr Primo Docchi. Mg:r Docchi est un Mirdite ; mais son éducation romaine et cléricale a adouci et comme estompé la fougue et l’àpreté naturelles de son tempérament montagnard. Aux États-Unis, où il vécut à l’époque où