404 LA ROUMANIE voudrions le démontrer en exposant les conditions dans lesquelles vit et se développe le royaume moldo-valaque. La Roumanie est un État danubien. Sur une très grande étendue, des Portes de Fer à Silistrie, le fleuve, qu’aucun pont ne franchit, la sépare des pays Balkaniques, Serbie et Bulgarie. En même temps qu’il lui sert de frontière, le Danube est son artère vivifiante, sa grande voie commerciale. Depuis que le traité de Berlin lui a donné la Dobroudja, elle a pris pied sur la rive droite ; les deux rives du Bas-Danube sont roumaines jusqu’au confluent du Pruth, russo-roumaines ensuite jusqu’à la mer; les îles du Delta sont roumaines; roumaine aussi, au large, l’île des Serpents. La Roumanie commande la porte de sortie de cette grande voie internationale de navigation et de commerce. Le Danube est neutre de par les traités ; la Commission du Danube est chargée de veiller à la liberté de la navigation1. Il n’en est pas moins vrai qu’en cas de guerre générale, les canons et les torpilleurs roumains pourraient, en dépit des traités, fermer la sortie du fleuve. Par la Dobroudja, la Roumanie a une fenêtre ouverte sur la Mer Noire et, par là, sur le monde méditerranéen. Par son port de Constantza, relié à Bucarest par le magnifique pont de Czernavoda, la Roumanie est directement intéressée à l’équilibre balkanique et à l’avenir de l’Empire ottoman. L’ouverture de son port, l’activité commerciale qui s’y est développée, la ligne de navigation qui en part, font dépendre la prospérité de la Roumanie de la liberté du Bosphore et des Dardanelles. Or la question des Détroits implique tout l’ensemble de la question d’Orient ; la Roumanie ne peut pas s’en désintéresser2. 1. Voyez sur ce point le livre très intéressant qui vient de paraître, de M. Demorgny, secrétaire de la commission européenne du Danube: La question du Danube ; Paris, Larose, 1911, in-8°. 2. Voyez, sur ce point, notre chapitre sur la question des Détroits dans l’Europe et l'Empire ottoman.