DE LA JEUNE TURQUIE 135 borer avec elle pour fermer la dernière porte, celle de Cyrénaïque, par où des esclaves noirs sont encore importés et vendus dans le bassin de la Méditerranée *. En Perse, les Turcs ont occupé, sous prétexte d’une contestation de frontières, une partie de l’Azerbaïdjan, l’ancienne Médie Atropatène, dont l’importance, au point de vue des communications entre la Perse, l’Arménie et le Caucase, a toujours été considérable. A ce propos, un journal jeune-turc écrivait : « Nous avons le droit de nous occuper des affaires de la Perse, parce qu’elle est une puissance musulmane. » De telles affirmations ne sont pas rares dans la presse. En langage diplomatique, cette théorie s’appelle l’interventionnisme; c’est celle que les Jeunes-Turcs, avec raison, ne veulent pas voir appliquer à leur pays ; il serait piquant qu’ils cherchassent à l’appliquer chez les autres. Le panislamisme ménagerait à la Turquie plus de déboires que d’avantages, mais il pourrait servir les intérêts de l’Allemagne : seule de toutes les puissances européennes, elle n’a pas de sujets musulmans et, si la Turquie se prêtait à son jeu, elle se servirait volontiers d’elle et du panislamisme pour susciter des embarras soit à la France, comme elle l’a déjà fait au Maroc, soit à l’Angleterre, soit à la Russie. Sa tactique n’est pas variée, mais elle est efficace ; reste à savoir ; i la Turquie consentira à s’y prêter et à perdre des amitiés qui lui sont précieuses, pour le plus grand avantage du pangermanisme et de la « poussée vers l’Est. » 1. Des confins du Ouadaï et du Darfour, des caravanes de captifs, venus de l’Afrique équatoriale, échappant à la surveillance de m s troupes trop peu nombreuses, traversent le Sahara et parviennent dans les petits ports de la Cyrénaïque orientale, Tobrouk par exemple. De là les esclaves sont transportés par bateau et vendus dans l’Empire ottoman. Les Turcs le nient, mais les preuves ne sont que trop nombreuses. La noble tâche pour laquelle sont morts Moll, Fiegenschuh, Delacommune et tant d’autres ne tentera-t-elle pas, un jour, les sentiments humanitaires des Jeunes-Turcs?