LA P0LITI(JDE EUROPEENNE 195 Comment l’initiative simultanée du gouvernement austro-hongrois et du gouvernement bulgare, les 4 et 5 octobre 1908, a jeté l’Europe dans la crise dont elle vient à peine de sortir, nous l’avons raconté dans le chapitre précédent. Dans celui-ci, nous essayerons, la bataille terminée, d’embrasser d’un coup d'œil d’ensemble les phases successives de la campagne et d’en apprécier les résultats1. Le comte Schouvaloff, dont on sait le rôle au Congrès de Berlin, écrivait en juillet 1882 : « Je ne me serais jamais imaginé que les difficultés que l’Autriche rencontre en Bosnie-Herzégovine soient aussi considérables. Le plus mauvais, dans cette cession de territoire, c’est que, dans ma profonde conviction, elle menace dans l’avenir la paix de l’Europe. C’est de là que partira un jour la fusée qui mettra le feu aux poudres. Ce sera le brandon qui décidera la question slave2... » L’Europe a pu croire un moment que la prédiction du grand diplomate russe allait se réaliser intégralement; la question slave a été posée ; peu s’en est fallu que la fusée n’atteignît les poudres. La question d'Orient, qui met en jeu tant d’intérêts, est la pierre de touche des combinaisons d’alliances et d’ententes européennes : le moindre déplacement de l’équilibre balkanique a ses répercussions dans la politique de tous les grands États. Engagé à propos de la Bosnie, le conflit diplomatique n’a pas tardé à s’amplifier en une lutte pour l’hégémonie et, par la force des circonstances plus encore que par la 1. Pour la succession des faits, voyez, pour Tannée 1908 : Une année politique extérieure, par René Moulin et Serge de Messin, préface de M. paui Deschanel. (Pion, 1909, in-16,) et pour 1909, la Vie politique 0,'ientale en 1909, par le D' Georges Samné et Y. M. Goblet. Editions de la « Correspondance d’Orient », 1910, 1 vol. in-8». Voir chronologie des faits, p. 245. 2. Cité par M. Charles Printa, La Bosnie et l’Herzégovine devant la future conférence, dans Questions diplomatiques et coloniales, 16 fé-