DE LA JEUNE TURQUIE 145 si on ne lui accorde pas une certaine autonomie, restera une plaie toujours ouverte, un gouffre où viendront s’engloutir les hommes et les millions. La question arabe est, pour la Jeune-Turquie, l’une des plus difficiles et des plus dangereuses *. Les scissions que nous signalions au sein du Comité et du parti Union et Progrès ont été s’accentuant ; des remaniements importants du cabinet Hakki-pacha en ont été la conséquence. Vers la fin du mois d’avril 1911, un groupe important, comprenant environ la moitié des membres du Parti Union et Progrès, parut prendre position contre certaines tendances trop radicales du gouvernement ; ces députés demandaient notamment que l’on tînt un plus grand compte des traditions nationales ottomanes, des prescriptions religieuses et des droits du Sultan et Khalife. L’un des inspirateurs de ce groupe était le colonel Sadyk-bey, sous-directeur de la cavalerie, homme de confiance de Mahmoud-Chefket. Sous l’apparence de divergences politiques, il s’agissait surtout d’une question d’intérêts et de rivalités personnelles. Depuis la déposition d’Abd-ul-Hamid, la politique ottomane a été dirigée par un groupe constitué au sein du Comité et du parti Union et Progrès et composé d’une part des gens de Salonique, avec Djavid-bey et Talaat-bey à leur tête, et d’autre part des principaux rédacteurs dujournalle Tanin, Djahid-bey et Ismaïl-Hakki-Baban-Zadé. Au mois de mars, ce dernier fut nommé au ministère de l’instruction publique et, peu après, Djahid entra au Conseil d’administration de la Dette comme délégué des porteurs ottomans ; mais Talaat-bey, pour des raisons personnnelles qui n’ont jamais été bien clairement expliquées, donna sa démission. C’était une première fissure dans la cohésion du groupe; la jalousie et l’envie minaient sourdement cette coterie restreinte et fermée 1. Voyez l'Europe et l'Empire ottoman, chap. vin. 10