22 INTRODUCTION mand, de faire respecter les couleurs de l’Empire, d’inspirer à tous les peuples de la terre une idée magnifique de la puissance du « surpeuple » allemand. Les moyens sont pratiques et modernes : organisation du commerce, associations d'émigrants allemands, diplomatie mise au service du négoce, l’Empereur lui-même se faisant, comme on l’a dit, le commis voyageur de l'industrie allemande. Mais à ces réalités pratiques se mêle un langage mystique et féodal. A son frère, partant pour Kiao-tcheou, où il va défendre des intérêts mercantiles et coloniaux, Guillaume II parle comme jadis aurait parlé Hermann de Salza à ses chevaliers teutoniques, partant pour guerroyer dans la marche de l’Est contre les Polonais : lui-même, à Jérusalem, parle comme un croisé luthérien, à Damas comme un dévot de l’Islam 1. Il ne faut pas voir là seulement un effet de son goût naturel pour la couleur et le pittoresque ; créateur d une politique nouvelle, d’une Allemagne maritime et commerçante, il a le souci constant de montrer les liens qui rattachent l’Allemagne d’aujourd’hui à celle d’hier, et de faire comprendre à son peuple la continuité de l'effort qui de l’une a fait sortir l’autre. Au cours de cette entreprise d’expansion extérieure dirigée par l’Empereur, l’Allemagne devait fatalement rencontrer, comme concurrente et comme adversaire, l’Angleterre; mais, ni dans la politique de Guillaume II, ni dans celle delà reine Victoria et de ses ministres, on ne relève un dessein prémédité et suivi de l’un des deux gouvernements contre l’autre. Bismarck lui-même, nous l’avons vu, a esquissé, à certains moments, une politique de résistance à l’omnipotence anglaise hors d’Europe ; on a même affirmé que cette tendance nouvelle, qui paraissait aller en s’accentuant, avait été l’une 1. Voyez, sur ces deux points, notre ouvrage La Chine qui s'ouvre, ch. il. Perrin, 1900.