120 LE PRÉSENT ET l’aVENIR souvent qu’autrefois, aux directeurs d’écoles européennes de rencontrer des traces de mauvaise volonté, des exigences injustifiées. Ainsi se marque, là comme ailleurs, là plus injustement peut-être qu’ailleurs, cette défiance envers l’étranger à laquelle se laissent entraîner certains Jeunes-Turcs. La tendance générale du gouvernement est, en tout, de faire rentrer les étrangers dans le droit commun, de les soumettre aux impôts, à la justice, à toutes les obligations des citoyens ottomans. Et, ici encore, ce ne sont pas les intentions, mais les procédés qui sont déplorables. Par ses maladresses, par ses défiances injurieuses même vis-à-vis de simples voyageurs, l’administration ottomane se charge de faire elle-même la preuve de la nécessité salutaire de ces mêmes Capitulations dont elle voudrait démontrer l’inutilité1. Les Jeunes-Turcs, par l’exagération d’un sentiment louable, croient toujours que l’on veut attenter à l’honneur et à la dignité de leur nation, si bien que même un acte de justice vis-à-vis d’un étranger est interprété comme une faiblesse et taxé d’incivisme. Dans une grande ville commerçante comme Salonique, l’irritation est devenue telle que l’on oublie tout ce que l’on doit d’utiles réformes à la révolution et que, même (1) M. Paul Deschanel, dans l’allocution qu’il a prononcée à la suite de la Conférence de M. Bené Moulin à la Socété des amis de l'Orient, le 29 février 1910, a envisagé la possibilité, pour les puissances occidentales, de renoncer aux Capitulations : « S'il est naturel, a-t-il dit, que, sous un gouvernement tyrannique, les étrangers se placent sous la protection de leurs gouvernements pour y trouver la sécurité qui leur manque, il est également naturel que, lorsque l’absolutisme disparaît, lorsqu’il est démontré que la justice fonctionne régulièrement, on n'ait plus besoin de recourir à de semblables privilèges. » (Ouv. cité de M, Hené Moulin, p. 8b,. Nous partageons cette manière de voir; nous attendons que les deux conditions dont parle M. Deschanel soient remplies. La supression des Capitulations ne se fera pas d’un seul coup; on peut admettre que la renonciation à certains privilèges, à certaines immunités fiscales, par exemple, précédera la renonciation aux garanties juridiques. L’Autriche a cru devoir déclarer qu’elle renoncerait volontiers aux Capitulations dès que les autres puissances y auraient consenti : c’est un engagement assez platonique !