460 UNE CONFÉDÉRATION BALKANIQUE EST-ELLE POSSIBLE? d’homme malade, donc plus de médecins, encore moins d’héritiersl. Du même coup, toute la politique de la Russie et de l'Autriche-Hongrie vis-à-vis de l’Empire Ottoman se trouve modifiée; ni l’un ni l’autre des deux Empires rivaux ne peut plus être tenté, comme autrefois, de constituer une confédération balkanique avec l’espoir qu’elle ne saurait manquer de devenir l’instrument de ses visées particulières. Mais ni l’un ni l’autre non plus n’a intérêt à s’opposer à la formation d’une confédération dans laquelle entrerait la Turquie et qui arrêterait, d’où qu’elles viennent, toutes les tentatives ambitieuses sur la péninsule. Pour la Russie, le temps n’est plus de réaliser le rêve de Pierre le Grand et de Catherine II : le chemin de Byzance est fermé. Les Russes ont enfin compris que si jamais Constantinople et Pétersbourg se trouvaient un jour réunies dans les mêmes mains, elles ne sauraient y demeurer2, que les 1. Hilmi Pacha, ancien grand-vizir, lors de son récent passage à Paris, disait à un journaliste : « La Confédération des Etats balkaniques est un rêve, mais avec la régénération de la Turquie et une bonne armée — une bonne armée est indispensable — ce rêve pourra, je l’espère, devenir une réalité. » 2. Il est curieux de trouver déjà cette vérité exprimée, dès 1830, dans cette lettre du comte de Nesselrode au Grand-Duc Constantin. « Saint-Pétersbourg, 12 février 1830. « Le but de nos relations avec la Turquie est celui que nous nous sommes proposé par le traité d’Andrinople lui-même et par le rétablissement de la paix avec le Grand-Seigneur. 11 ne tenait qu’à nos armées de marcher sur Constantinople et de renverser l’empire turc. Aucune puissance ne s’y serait opposée, aucun danger immédiat ne nous aurait menacés, si nous avions porté le dernier coup à la monarchie ottomane en Europe. Mais, dans l’opinion de l’Empereur, cette monarchie, réduite à n’exister que sous la protection de la Russie et à n'exécuter désormais que ses désirs, convenait mieux à nos intérêts politiques et commerciaux, que toute combinaison nouvelle qui nous aurait forcés soit à trop étendre nos domaines par des conquêtes, soit à substituer à l'empire ottoman des Etais qui n'auraient pas tardé à rivaliser avec nous de puissance, c/e civilisation, d'industrie et de richesse; c’est sur ce principe de S. M. 1. que se règlent aujourd’hui nos rapports avec le Divan. »