112 LE PRÉSENT ET l’aVENIR mais ils restent encore insuffisants; un magistrat, même turc, doit être à l’abri des tentations. On a commencé à séparer l’organisation religieuse de l’organisation judiciaire, à laïciser la justice ; les juges ne seront plus, à l’avenir, des cadis, ou des naïbs, mais des laïques. Malheureusement l’Oriental, quelle que soit sa nationalité ou sa religion, n’a pas, du juste et de l’injuste, pas plus que du vrai et du faux, la même conception que l’occidental; vérité, justice, ne sont pas pour lui des absolus qui ne doivent plier devant aucune contingence ; qu’il en pâtisse ou qu’il en bénéficie, un Oriental ne s’étonne jamais de la partialité, qui lui apparaît comme une manifestation naturelle delà force. Le juge turc a une tendance inconsciente à donner raison à l’État et au « bon citoyen » ottoman. Des progrès avaient été faits, en x\Iacédoine, sous le régime des réformes europénnes, grâce à la vigilance de Hilmi pacha, à une meilleure sélection des magistrats et à une répression énergique de la concussion. Les heureux effets de cette sévérité se font encore sentir, mais les troubles qui ravivent, en Macédoine, la fureur des passions nationales, ont offert à une justice partiale des tentations auxquelles elle n’a pas toujours su résister. Les Jeunes-Turcs désirent avec impatience que les grandes puissances renoncent au bénéfice des Capitulations1; ils conviendront eux-mêmes qu’il ne saurait en être question avant le jour où une magistrature instruite, intègre, indépendante, capable de donner tort à l’État lorsqu’il n’a pas raison, aura fait ses preuves dans tout l’Empire2. 1. « 11 est un esclavage qui pèse lourdement sur nos destinées, c’est l’esclavage des Capitulations », dit llalil bey dans son discours de Salonique déjà cité! D’après lui, ce qui empêche d’accomplir les réformes linancières, ce sont les Capitulations. 2. Voyez sur La justice ottomane /ians ses rauports avec les puissances étrangères, l’excellent livre de M. André Mandelstamm, conseiller de l’ambassade de Russie à Constantinople, (Paris, Pedone, 1911, in-80.)