LE MONTÉNÉGRO ET SON PRINCE 387 nationales ne sont pas scrupuleuses sur le choix des armes. D’autres voient, dans toute cette affaire, la main d’habiles agents provocateurs. Ils font remarquer d’abord l’absurdité des desseins, d’ailleurs vagues, que l’on prête aux conjurés. L’histoire de Raicovitch et de ses bombes paraît singulièrement suspecte. En voici une autre, qui ne l’est guère moins, et qui cependant a servi de preuve contre les accusés. Quelques jours après les premières arrestations, un complice, resté à Cattaro, adresse à un de ses affidés, à Cettigne, une lettre sans intérêt, mais, sur l’enveloppe, il écrit quelques mots qu’il dissimule sous les timbres : il demande si les complices arrêtés ont tout avoué. Or, il advient que J’enveloppe de la lettre tombe entre les mains d’un professeur, amateur de timbres, qui décolle ceux qui recouvraient les phrases compromettantes, lit et s’empresse de porter à la police cette précieuse pièce à conviction. L’aventure est étrange; une police qui chercherait à se procurer des preuves agirait-elle autrement? Encore l’expédient pourrait-il passer pour assez grossier ! Quelques jours après la capture du menu fretin des porteurs de bombes, commence le coup de filet politique. Inculpés d’avoir connu et favorisé le complot, de hauts personnages, anciens conseillers d’État, anciens ministres, anciens députés à la Skoupchlina, magistrats, médecins, avocats, sont emprisonnés. Le plus en vue était M. Gardachevitch, ancien conseiller à la Cour de cassation, beau-frère du prince Nicolas par son mariage avec la sœur de la princesse Miléna. L’accusation portait que le ministre de Russie aurait assisté à plusieurs réunions de conjurés. L’ancien président du Conseil, M- André Radovitch, se sentant menacé, avait quitté Cettigne pour Paris. Parmi les inculpés de marque, c’est lui que l’accusation cherchait surtout à atteindre. M- Radovitch a été l’âme et la tête du parti national \