474 UNE CONFÉDÉRATION BALKANIQUE EST-ELLE POSSIBLE? A ce point de vue, la ligne de conduite qu’a suivie jusqu’ici le gouvernement de Hakki Pacha vis-à-vis de l’Albanie inspire des inquiétudes aux amis de la Turquie nouvelle. Nous avons expliqué ci-dessus le caractère et les origines du mouvement que les journaux appellent à tort insurrection ou révolte. Les Arnaoutes ont été les premiers partisans de la Constitution dont, à la vérité, ils comprenaient mal les tendances et le caractère réel, mais dont il eût été politique de leur enseigner les bienfaits autrement qu’à coups de canon ou de fusil. C’est l’expédition insufiisamment justifiée de Djavid Pacha dans les montagnes de l’Albanie du Nord, ce sont les excès commis par ses soldats, qui ont soulevé derrière lui les Arnaoutes frémissants et altérés de vengeance. L’Albanie n’est pas une Vendée insurgée pour un sultan déchu, c’est une Écosse qui lutte pour ses traditions, son particularisme, sa langue. Le gouvernement ottoman ne pouvait laisser intercepter le chemin de fer d’Uskub à Mitrovitza et devait assurer, même parla force, les communications entre les bourgs de l’Albanie du Nord ; mais il fera preuve d’esprit de justice en même temps que d’esprit politique, s’il ne cherche pas à réduire les « insurgés » dans leurs montagnes : les Turcs n’y trouveraient que dos pierres et des coups. Déjà, il y a trop de victimes, trop de villages incendiés, trop de femmes insultées ; les Jeunes-Turcs ont le plus grand intérêt à ne pas s’aliéner à jamais cette fière et forte race qui a déjà donné à l’Empire tant d’hommes d’État, tant de braves soldats, et à laquelle il n’a donné, lui, ni un chemin de fer, ni une route, ni un canal d’irrigation, ni une école. La Jeune-Turquie, avant de se montrer trop exigeante vis-à-vis des Albanais, a beaucoup à réparer vis-à-vis d’eux; ce n’est que peu à peu, et par des bienfaits, qu’elle fera la conquête de ce peuple qui, cramponné depuis tant de siècles à ses montagnes, n’a jamais abdiqué, devant aucun con-