LA RIVALITÉ DE L’ALLEMAGNE ET DE L’ANGLETERRE 37 La rivalité anglo-allemande, dans l’Europe d’aujourd’hui, nous le disions au début de ces pages, se mêle à tout pour tout envenimer et tout fausser. Au Maroc, si l’Allemagne paraît appuyer Moulaï-Hafid, on en conclut aussitôt que Abd-el-Aziz est le sultan de la France, amie de l’Angleterre; la mauvaise volonté de la chancellerie de Berlin ne cesse pas, dans l’empire chérifîen, d’avertir la France que le conflit n’a pas été terminé par la Conférence d’Algésiras et qu’il reste latent. L’entente anglo-espagnole et l’entente franco-espagnole se manifestent, en mai 1907, par deux accords identiques garantissant le « statu qun territorial et les droits de chacun des trois peuples dans la Méditerranée et dans la partie de l’Atlantique qui baigne les côtes de l’Europe-et de l’Afrique » ; aussitôt l’Allemagne négocie avec les puissances du Nord un accord de même nature relatif à la Baltique, mais la Russie, en refusant de céder ses-droits sur les îles d’Aland, et l’Angleterre, en proposant d étendre la négociation à la mer du Nord, enlèvent au projet primitif le caractère d’un succès pour la politique de iierlin. Le discours du baron d’Æhrenthal (27 janvier 1908) etl’affaire du chemin de fer du sandjak de Novi-Bazar provoquent la rupture de l’entente austro-russe qui, depuis 1897, maintenait le statu quo dans les Balkans1; les événements d’octobre 1908 2 trouvent les puissances groupées tout autrement qu’elles ne l’étaient dans les années précédentes, et c’est encore en fonction de la rivalité anglo-allemande que cet ordre nouveau s’est établi. La révolution turque de juillet 1908 a été déclanchée par la visite du roi Edouard au tsar Nicolas à Revel3, et pourtant, elle a été considérée, durante les premiers jours, comme un succès pour la politique britannique et un échec pour la diplomatie allemande. 1. Voyez notre ouvrage : L’Europe et l'Empire Ottoman, chapitre vi. 2. Voyez ci-dessous, chapitres ni et iv. 3. Voyez ci-dessous, chapitre n, page 60.