438 LA ROUMANIE tenir grand compte si l’on veut comprendre le jeu de la politique danubienne et balkanique. L’avenir de la Turquie dépend en grande partie de l’attitude du gouvernement de Bucarest. Aucune transformation importante ne se fera, dans l’Europe orientale, sans que la Roumanie ait son mot à dire ou sa part à prendre. Les puissances de l’Europe centrale ne l’ignorent pas ; leur diplomatie est très préoccupée de faire naître et de développer de bonnes relations avec la Roumanie ; elles accréditent auprès du roi Carol leurs diplomates les plus en vue. Il est significatif de constater que le comte Goluchowski, le comte d’Æhrenthal, le marquis Pallavicini, le comte Tornielli, le prince de Bülow,M. de Kiderlen-Wæchter, ont occupé le poste de ministre à Bucarest et s’y sont fait remarquer. Au contraire, dans la hiérarchie surannée de la « carrière » française, le poste de Bucarest est classé après certains autres qui, au point de vue des intérêts politiques, sont loin d’avoir la même valeur, et si, un jour, au quai d’Orsay, on eut la main heureuse en envoyant à Bucarest un préfet qui se trouva être un très fin diplomate, trop souvent le poste est resté confié à des hommes de second plan. Nous apportons dans nos relations avec ce pays latin cette nuance de sentimentalisme dont tant de désillusions ne nous ont pas encore guéris ; au milieu de l’âpre mêlée des intérêts, nous prétendons être aimés pour nous-mêmes et, à ceux que nous croyons nos amis, nous pardonnons difficilement de faire passer leurs intérêts avant nos préférences. Certes, nos retations avec la Roumanie sont bonnes : mais elles pourraient être meilleures si nous n’avions quelquefois négligé de les développer, de les cultiver. Les journaux et l’opinion, en France, font grief aux Roumains de chercher un appui dans la Triple-Alliance,, défavoriser les intérêts économiques allemands, d’acheter des canons chez Krupp et de dresser leur armée à la prussienne ; peu s’en faut que nous ne les regardions