74 LA RÉVOLUTION TURQUE l’avons placée ici ni pour le vain plaisir d’un contraste saisissant, ni pour en tirer des prédictions sinistres sur l’avenir du nouveau régime. Les deux époques diffèrent profondément. En 1876, quelques hommes seulement tentaient de superposer à une nation qui, dans sa grande majorité, y restait indifférente, une Constitution à l’européenne : aujourd’hui, la mentalité nationale a été préparée par la souffrance à désirer la liberté et à en comprendre le prix. Le nouveau régime a l’appui fervent de la grande majorité du peuple, tout au moins de la partie instruite et consciente ; il ne se laissera pas enlever ce que les officiers du Comité Union et Progrès ont conquis pour lui. Nous avons brièvement conté l’histoire de Midhat-pacha parce qu’elle pose très bien, dans ses vrais termes, l’une dos difficultés les plus graves qu’aient à résoudre Kiamil-pacha, ses ministres et les Jeunes Turcs : les rapports du Sultan avec les hommes et les choses du nouveau régime. On éprouve une étrange impression lorsqu’on lit simultanément la vie de Midhat-pacha et les journaux qui rapportent que le Sultan s’est déclaré « le défenseur et le protecteur de la Constitution » à laquelle il a solennellement juré fidélité sur le Coran. Nous avons déjà signalé, à leur éloge, le souci des Jeunes-Turcs du Comité Union et Progrès de tenir la personne du Sultan au-dessus des discussions. M. Ahmed Riza, directeur du Mechveret, disait à ce sujet : « L’intérêt de mon pays m’oblige à ne pas suspecter la bonne foi du Sultan. » Ne soyons pas plus indiscret. A quoi bon d’ailleurs scruter la« sincérité » du Sultan? 11 est sincère chaque fois que ses paroles sont en harmonie avec ses intérêts; il ne s’agit là que d’une « sincérité » politique, celle du cœur échappe à l’enquête. Les faits parlent d’eux-mêmes assez haut : Abd-ul-Hamid a accordé la Constitution parce qu’il n’apercevait plus aucun moyen do faire autrement, et nous avons