LA RIVALITÉ DE L’ALLEMAGNE ET DE L’ANGLETERRE 13
splendeur, c’est, dans sa puissance, sa faiblesse. A aucun moment, a-t-on calculé, l’Angleterre n’a chez elle des vivres pour plus de six semaines. Survienne un événement qui ferme les routes maritimes pendant quinze jours, un boycottage des marchandises britanniques, un blocus général, — image agrandie de celui qu’a tenté Napoléon en un temps où l’Angleterre pouvait encore vivre de son agriculture, — et voilà la famine menaçante, la population affolée, la catastrophe! Toute concurrence industrielle, commerciale ou maritime menace l’Angleterre dans les sources mêmes de sa vie. Une crise économique a pour elle des conséquences plus graves, plus immédiates que pour tout autre pays ; elle peut arrêter la marche des usines, augmenter dans des proportions dangereuses le nombre de ces unem-ployed (ouvriers sans travail) qui constituent déjà, en pleine paix politique et économique, une si lourde charge pour le budget et, pour la stabilité sociale, un si grand péril.
  L’Angleterre gouverne des centaines de millions d’individus de toutes couleurs, rien qu’aux Indes près de 200 millions. Il lui faut maintenir la cohésion parmi les éléments disparates de cet empire immense, veiller sur les Indes, sur l’Egypte, sur le Canada, sur l’Australie, sur l’Afrique du Sud, garder Gibraltar, Malte, Suez, Chypre, Aden, Singapore, Hong-Kong, tenir en bride les aspirations de ses sujets, prévenir les rébellions, décourager les convoitises. Pour parer à tant de périls, elle n’a presque pas d’armée ; elle compte sur sa « ceinture d’argent », sur cette mer que sillonnent ses flottes et dont la protection, depuis l’Armada de Philippe II, ne lui a jamais fait défaut. Mais foute coalition pourrait lui être funeste ; elle le prévoit et elle a adopté le principe du two powers standard : sa marine de guerre doit toujours être supérieure de 10 pour 100 à la coalition des deux marines les plus fortes. Mais cet