64
LA RÉVOLUTION TURQUE
étrangers dans ses affaires intérieures en la rendant inutile et en lui enlevant tout prétexte à se produire. Le jour où tous les sujets du Sultan seront égaux en droits et en devoirs, égaux devant une loi commune qui ne sera plus celle de leurs religions respectives, mais la loi civile de l’Empire ottoman, les puissances étrangères n’auront plus aucun motif plausible d’intervention. Le seul moyen d’arriver à ce résultat était de faire de la Turquie un pays constitutionnel et de limiter les droits du souverain par la proclamation des droits des sujets, de transformer tous les habitants de l’Empire, musulmans ou chrétiens, en citoyens. On ne distinguerait plus, désormais, des Turcs conquérants et des rayas conquis ; il n’y aurait plus ni Osmanlis, ni Albanais, ni Grecs, ni Bulgares, ni Arméniens, ni Maronites, ni Arabes, mais seulement des citoyens ottomans, pleinement libres de pratiquer des cultes différents, mais soumis aux mêmes lois délibérées et votées par leurs représentants, astreints aux mêmes charges, jouissant des mêmes prérogatives, électeurs des mêmes députés.
  L’Etat que le Comité Union et Progrès espère avoir fondé serait donc bien une Turquie nouvelle; ce serait, effectivement et non plus seulement sur le papier, un Etat européen gouverné par une Constitution et des lois fondées sur les mêmes principes d’égalité et de liberté politique qui régissent tous les autres pays d’Europe. Cette Turquie nouvelle arriverait bientôt à se suffire à elle-même, à éviter les ingérences étrangères, à progresser par ses propres moyens et à mettre elle-même en valeur ses richesses. Son développement économique apporterait à tous ses citoyens la prospérité, et à l’jttat l’indépendance de ses finances. L’accroissement du bien-être général, la construction de chemins de fer, de routes, de voies navigables, apporteraient la sécurité dans tout l’Empire et mettraient fin à beaucoup de conflits séculaires, que l’on qualifie de luttes de races ou