86 LA RÉVOLUTION TURQUE l’intervention d’un officier, il était mis en pièces! « L’impression fut bien pénible, ajoute naïvement le chroniqueur ; il y eut stupeur et consternation profondes. Et il y avait de quoi : au milieu d’une manifestation en l’honneur de la fraternité, un haut fonctionnaire du gouvernement, directeur de l’instruction publique, archéologue distingué, qui a enrichi le Musée impérial de nombreuses et précieuses collections dues à ses propres découvertes, était chassé d’un banquet officiel à coups de pied, bàtonné, assommé et jeté tout sanglant dans la rue... Toute la nuit, sur les quais, des groupes consternés commentaient ce triste événement. » Le pauvre Naily-bey n’avait pas l’expérience des révolutions ! Le Sultan a été plus avisé. Cette mésaventure n’a pas, en elle-même, d’autre importance; mais elle prouve une fois de plus qu’en temps de bouleversement les pires choses peuvent arriver à l’encontre des intentions les plus pures et des desseins les plus généreux, et, pour ainsi dire, sans que personne en soit responsable. C’est l’aveugle destin des révolutions! Ce sont des incidents de cette nature que les amis des Jeunes-Turcs peuvent redouter ; ils seraient d’autant plus déplorables qu’ils se produiraient en présence de l’Europe spectatrice. VI L’Europe ? On s’est demandé si, dans la crise de juillet, elle était simplement spectatrice, ou si quelqu’une des puissances n’aurait pas eu, dans l’éclosion du mouvement révolutionnaire, un rôle plus actif. Is fecit cui prodest : mais à qui profitera la révolution turque? A personne peut-être, sinon aux Turcs. 11 existe, on le sait, en Angleterre, surtout parmi les libéraux, comme