LA RÉVOLUTION TURQUE 87 d’ailleurs en France, une tradition de sympathies très vives pour les partis réformateurs ottomans ; ces sympathies proviennent de vieilles affinités libérales, mais aussi du sentiment de l’intérêt anglais qui voulait une Turquie forte pour l’opposer à la descente des Russes vers la mer Égée. Depuis quelques années, nous avons eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises1, la politique anglaise, inquiète des grands progrès de l’influence de l’Allemagne dans l’Empire ottoman et de sa poussée vers l’Euphrate, semblait avoir renoncé à fortilier et à défendre une Turquie qui paraissait inféodée au germanisme. On s’est demandé, malgré cela, si l’Angleterre, par ses agents ou par ses nationaux, n’aurait pas favorisé l’éclosion d’un mouvement libéral pour renverser ou amoindrir l’autorité d’un Sultan ami de l’Allemagne. L’hypothèse inverse a été faite aussi, non sans certaines vraisemblances : on a cru voir, dans les événements actuels, un mouvement concerté entre le Sultan, l’Allemagne et les Jeunes-Turcs pour couper court aux interventions réformatrices de l’Europe et pour répondre à l’entente nouvelle de l’Angleterre et de la Russie dans les questions balkaniques. En d’autres termes, dans l’une ou l’autre hypothèse, la crise actuelle ne serait qu’un épisode de la rivalité qui met face à face, dans le monde entier, l’influence anglaise et l’influence germanique. Ce sont là, croyons-nous, des vues qui ont cessé, pour le moment, d’être vraies. Il est certain, et nous l’avons dit nous-même -, que, jusqu’à ces derniers jours, si l’Empire ottoman, et particulièrement la question de Macédoine, intéressait tant la politique générale et inquiétait l’Europe, c’est que, sous les dehors de la question d’Orient, les grandes rivalités européennes 1. Dans l'Europe et L'Empire ottoman, pages 58 et 354. 2. Voyez notamment la conclusion de notre livre : L'Europe et l’Empire ottoman.