362 CINQUANTE ANS DE RÉGNE cole et commercial ; avec ses 4.000 habitants, elle est le plus gros bourg, le marché le plus important de la principauté. Un réseau de routes, commencé sur l’ordre du prince, atteint aujourd’hui les principaux centres ; la route autrichienne de Cattaro à la frontière a été continuée jusqu’à Cettigne et de là elle descend sur Rjeka, Vir-Bazar, Antivari et Dulcigno; une autre gagne Podgoritza et Nikchitch. Une compagnie tchèque, subventionnée par l’État, a établi un service régulier d’automobiles de Cattaro à Cettigne et de Cettigne au lac de Scutari et à Podgoritza. Les Monténégrins, pressés par la faim, se sont mis tristement à travailler aux routes, et c’est pitié de voir ces beaux hommes, dans leur uniforme maculé et poudreux, casser, pour un infime salaire, les pierres du chemin ; je pensais, en les regardant, à ces oiseaux de proie captifs qui traînent dans la poussière leurs ailes paralysées et leur plumage souillé. Les (ils des héros des vieilles pesmas vivent en pleine prose, parmi les plus dures réalités. Il en est qui, plus hardis, s’expatrient. J’en ai vu des centaines travaillant au nouveau port de Trieste. Beaucoup, chaque année, s’en vont jusqu’en Australie, jusqu’en Amérique, au pays des salaires fabuleux où les revenus d’un seul riche dépassent ceux de toute la principauté monténégrine. Ils sont pris dans l’engrenage impitoyable de la grande industrie qui les enrichit, mais qui use la force de leurs muscles et brise le ressort do leurs volontés; revenus au pays avec des économies qui, pour eux, constituent une fortune, souvent ils sont, pour le reste de leur vie, incapables d’un effort. Ces exilés volontaires donnèrent, en 1908, un touchant exemple de patriotisme; après l’annexion de la Bosnie, quand les journaux parlèrent d’une guerre imminente entre le Monténégro et l'Autriche-Hongrie, tous voulurent revenir se battre dans leurs montagnes; il fallut envoyer des dépêches à New-York pour les