352 CINQUANTE ANS DE RÈGNE aux Monténégrins qu’en 1878 par le traité de Berlin. Plus loin encore, ces grandes montagnes qui, sur l’horizon du Sud, scintillent au soleil, c’est le repaire des tribus albanaises, ennemies séculaires du Serbe de la Tchernagora auquel elles disputent les plaines grasses et les plateaux aux pâturages parfumés. Serré entre ses deux voisins, l’Autrichien et le Turc, maîtres de la mer et des plaines, le Monténégrin n’a gardé que l’étage supérieur, la montagne. Un jour, avant la guerre de 1877, François-Joseph, voyageant en Dalmatie, reçut à Cattaro la visite du prince Nicolas. Les hauts sommets du Monténégro, qui couronnent les Bouches, brillaient de milliers de feux. « Mon frère demeure bien haut, dit l’Empereur émerveillé. — Les Turcs m’ont pris la terre, les Autrichiens la mer, il ne me reste que le ciel », répondit le prince1. Le Monténégro est une forteresse de pierre, les Monténégrins en sont la garnison. Seules, de grandes catastrophes peuvent obliger les hommes à se créer une patrie là où devraient régner sans partage l’aigle et le chamois. Ce fut l’invasion turque, victorieuse à Kossovo (1389), qui, disloquant l’Empire serbe de Douchan, isola les princes de la Zeta et les confina dans la Tchernagora. Ces premiers seigneurs du Monténégro appartenaient à la famille de Balsa; leur nom ne nous arrêterait pas si les traditions ne faisaient d’eux les descendants de ces princes des Baux dont le manoir ruiné garde si fière allure au pays de Mireille ; ils avaient suivi en Sicile la fortune ne Charles d’Anjou; de là, ils passèrent en Epire, puis en Illyrie où ils se taillèrent un domaine à grands coups d’épée. On aime, en vérité, à se représenter ces gerfauts de Provence prenant leur vol vers l’Orient et installant leur couvée dans les nids d’aigle de la Mon- 1. Cité dans l’ouvrage du baron Jehan de Witte, Des Alpes bavaroiset aux Balkans (Pion, 1003), p. 315. — Cf. du même auteur un joli récit ae voyage au Monténégro dans le Zouri/u.l/onc/edu30juilletetdu6aoûtly