LA QUESTION ALBANAISE 297 Les montagnes d'Albanie et le peuple qui les habite forment entre l’Adriatique et l’Orient ottoman un écran opaque, impénétrable. D’Otrante ou de Bari, pour parvenir en Macédoine, il faut contourner la triple fourche de la Grèce! Sur tout le littoral turco-albanais, pas un bon port n’est aménagé, pas une route ne s’enfonce vers l’intérieur. Si, au contraire, nous nous reportons aux temps antiques, que voyons-nous? Sous les empereurs, l’Adriatique est le centre du monde romain; ses rivages se couvrent de villes florissantes : Pola, Salona, Dyr-raccliium, et tant d’autres dont les ruines attestent la splendeur, sont les ports d’où partent des routes qui vont vers le Danube, vers le Bosphore, vers Athènes ; la circulation et le trafic y sont intenses; d’une rive à l’autre, de nombreux bateaux sillonnent l’Adriatique. En choisissant, pour y construire son palais, la plage où est aujourd’hui Spalato, Dioclélien non seulement se ménageait une retraite agréable sous un climat délicieux, mais il s’installait dans un poste d’observation parfaitement choisi, en face de l’Italie, à la porte de l’Orient et du monde hellénique. La voie Egnatienne, de Dyrracchium à Thessalonique, resta, durant toute l’histoire romaine, la grande route de l’Orient. Après Dioclétien et la séparation des deux empires, l’Adriatique déchoit de sa splendeur. Les Avares ravagent l’il-lyrie, détruisent Salone ; les Slaves s’installent sur la rive orientale de l’Adriatique, descendent jusqu’en Grèce. Ravenne aux temps byzantins, plus tard Venise, tiennent le sceptre de l’Adriatique ; mais les Vénitiens sont des commerçants, non des conquérants ; ils s’établissent sur les côtes, mais ils ne se hasardent guère dans l’intérieur. Entre la péninsule balkanique et l'Italie, le schisme élève une barrière plus infranchissable les montagnes ; désormais les deux pays évoluent séparément et vont se différenciant de plus en plus. Lorsque, au slavisme et à l’orthodoxie byzantine, vient