322 LA QUESTION ALBANAISE d’armes et le passage d’agents suspects que l’on dit tantôt au service des prétendants, Aladro ou Ghica, tantôt à la solde de l’Autriche ou de l’Italie. Les Albanais, eux, affirment que leur mouvement n’est pas dirigé contre les Turcs, et qu’il s’agit seulement d’obtenir une reconnaissance de la nationalité albanaise sous la forme linguistique et littéraire. Intrigue italienne, entre-croisant. ses fils avec l’intrigue autrichienne, propagande du clergé catholique scutarin et des clergés orthodoxes grec, serbe, bulgare, missions des sociétés bibliques américaines, menées des prétendants, propagande roumaine, propagande bulgare, bandes de diverses nationalités sur les confins de la Macédoine : telle élait la confusion où s’agitait l’Albanie au moment où le Comité U. et P. fit éclater la révolution. Un sentiment commun unissait les Albanais et les Jeunes-Turcs : l’horreur des « réformes », dirigées par un état-major d’officiers et d’agents européens. On sait aujourd’hui que ce fut l’entrevue de Revel, où le Tsar et le Roi d’Angleterre s’entendirent sur un projet de réformes nouvelles à introduire en Macédoine, qui décida le Comité de Salonique à une action immédiate. Une grande réunion d’Albanais en armes fut tenue le 25 juillet à Ferizovich, à l’instigation de Chemsi Pacha, commandant de la division de Mitrovitza; mais les délégués du Comité réussirent si bien à retourner les esprits que la réunion devint une manifestation en faveur de la Constitution et envoya au Sultan la dépêche qui contribua beaucoup à sa capitulation. Quelques jours après, Chemsi Pacha, condamné par le Comité, était assassine à Monastir. Un seul bey albanais, Issa Boletine, qui avait été comblé de bienfaits par Abd-ul-Hamid et qui en recevait une pension mensuelle de 50 livres, essaya de protester; on couvrit sa voix et plus tard, comme nous le verrons, les Jeunes-Turcs lui firent payer cher son attitude.