372 CINQUANTE ANS DE RÈGNE Langue, religion, poésie, musique, traditions, sont communes aux deux pays : de l’Adriatique au Danube, il n’y a qu’un seul peuple serbe sous plusieurs dominations ; mais, entre les gouvernements, la sympathie est loin d’être aussi vive. Au temps des Obrenovitch, les rapports entre les deux cours n’étaient pas bons, Nicolas ayant marié sa fille aînée à Pierre Karageor-gevitch. Après la tragédie de 1903, le prince applaudit à l’avènement du nouveau roi dans une lettre enthousiaste qu’il terminait par le cri de : « Vive mon gendre! » Pourtant une sourde méfiance se manifestait déjà entre les deux dynasties; Pierre Ier n’envoya pas de représentant à Cettigne. La princesse Zorka était morte avant d’avoir été reine et l’on s’est demandé si, après la catastrophe des Obrenovitch, le prince Nicolas n’aurait pas secrètement désiré voir la succession revenir à son second fils, Mirko, marié à Nathalie, fille du colonel Constantinovich, cousin du roi Alexandre1. La propagande nationale serbe en Bosnie et en Macédoine alarme le prince Nicolas; si la grande Serbie, rêvée par quelques patriotes, était réalisée, que deviendrait la petite principauté monténégrine? Elle irait se perdre dans la masse serbe et l’union se ferait au profit des Karageorges plutôt qu’au bénéfice des Petrovitch. Cette inquiétude ne serait pas étrangère, dit-on, au rapprochement qui, vers la même époque, fut remarqué entre la Cour de Cettigne et celle de Vienne. L’union des Serbes, le prince Nicolas la souhaite, mais au profit de sa dynastie et de son peuple ; n’est-ce pas le Monténégro qui, seul de tous les pays serbes, n’a pas subi le joug avilissant du Turc? Ne lui appartient-il pas de marcher, sous le signe de la Croix, en avant de tous les Slaves pour la défaite définitive de l’Islam et la fon- 1. Présentant son enfant nouveau-né aux Monténégrins, le prince Mirko s’écriait : « Cet enfant est mon sang et le sang des Obrenovitch! »