LE MONTÉNÉGRO ET SON PRINCE 377 en droit, tempéré en fait par la simplicité des mœurs patriarcales, qui rendent très facile l’abord du souverain, et par l’exiguïté même d’un pays dont le prince peut connaître personnellement presque toutes les familles. N’a-t-on pas vu, dans sa jeunesse, le prince Nicolas, comme saint Louis, rendant la justice assis sous un arbre devant son palais? Le prince, dans le discours du trône prononcé à l’inauguration de son premier Parlement, a lui-même défini son pouvoir : « La confiance que le peuple monténégrin nous a témoignée démontre que notre pouvoir ne fut jamais l’autocratisme, mais la délégation directe de la volonté nationale. » Dans certaines circonstances exceptionnelles, les vladikas ou les princes réunissaient des assemblées nationales (Skoup-chtinas) temporaires ; l’objet de leurs délibérations était déterminé et limité. Depuis un siècle, l’autorité des princes n’a pas cessé de s’accroître. Pierre II avait remplacé l’assemblée des Knezes (chefs des familles féodales, chefs de clans) par un Sénat moins nombreux dont les membres étaient nommés par lui. Danilo, en 1851, « laïcisa » son pouvoir et réunit sur sa tête l’autorité des vladikas et les fonctions des gouverneurs civils supprimés par Pierre IL Nicolas lui-même, en 1879, supprima le Sénat et le remplaça par un ministère composé de cinq personnes, nommées par lui et responsables devant lui seul. Quels mobiles ont donc pu décider le prince, déjà au seuil de la vieillesse, à faire spontanément, sans qu’aucun vœu lui ait été présenté, l’essai d un régime nouveau? « La Constitution, a dit le prince, est exclusivement infant de mon âme. » C’est donc d’abord dans ses actes et ses discours publics qu’il faut chercher la raison de cet enfantement inattendu. « Tout homme appartenant à une société cultivée '°it en même temps être un citoyen libre », ainsi commence la proclamation par laquelle Nicolas annonce à