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INTRODUCTION
II
  Les conditions dans lesquelles vivent et se développent la Grande-Bretagne et son empire sont uniques dans le monde; elles pèsent d’un poids déterminant sur ses relations avec les autres Etats. Si connues qu'elles soient, on est obligé de les rappeler lorsqu’on se propose d’expliquer les origines et les phases de la rivalité anglo-allemande. La transformation de l’Angleterre *, commencée au milieu du xvme siècle, est aujourd’hui complète; c’est sans doute la plus absolue, la plus profonde, la plus radicale, et aussi la plus rapide qu’on ait jamais vue en aucun pays. L’Angleterre agricole d’autrefois a presque complètement disparu ; elle a trouvé dans la houille et dans le fer, dans la laine et dans le coton, les matières premières d’une industrie colossale ; safortune, aujourd’hui, estfondée surl’indus-trie et sur le commerce. Elle a besoin de marchés, car elle vit d’exportation ; sans exportation, elle ne mangerait pas ou elle se ruinerait pour manger2. Pour son alimentation, elle achète au dehors, chaque année, une quantité de denrées alimentaires valant, en moyenne, quatre milliards et demi de francs3. Il faut donc que, chaque année, par son industrie, par son commerce, ses bateaux, ses capitaux placés à l’étranger, elle gagne d’abord les quatre milliards et demi de francs qu’elle paye à l’étranger qui la nourrit : c’est la rançon de sa
  1.	Voyez Paul Mantoux : La révolution industrielle au xvor siècle. Essai sur tes commencements de la grande industrie moderne en Angleterre. Paris, Cornély, 1906, in-8\
 2.	Voyez le développement de cette idée dans notre article L’Angleterre et la paix du monde, dans le Correspondant du 25 avril 1899.
 3.	Le « déficit alimentaire » de l’Angleterre a, en 1909, presque atteint 3 milliards.