LA RÉVOLUTION TURQUE 57 sonne ne pourrait espérer le retour à l’ancien ordre de choses ; les chefs et les inspirateurs du Comité Union et Progrès ont donné des preuves rassurantes de leur esprit de modération, de sagesse, de prévoyance, mais leur tâche ne fait que commencer. Nous venons de voir quelques-uns des effets extérieurs du mouvement; essayons de pousser plus loin notre analyse, d’en pénétrer les origines, d’en démêler le caractère et la direction. II On se ferait une idée très incomplète de la révolution que les Jeunes Turcs viennent d’accomplir si on la comparait à celles qui, dans l’líurope occidentale, en 1830 et en 1848 par exemple, ont abouti à la conquête de la liberté politique et du régime constitutionnel. Autant qu’il est libéral et anti-absolutiste, le mouvement actuel est patriote et nationaliste; il serait même plus juste de dire qu’il est libéral et constitutionnel, surtout parce qu’il est nationaliste. Il n’est pas dirigé par des professeurs ou des journalistes, par des « intellectuels : » c’est un mouvement militaire; le Comité Union et Progrès est composé d’officiers, et c’est sous la forme d’une mutinerie militaire que la révolution a commencé à Salonique et à Monastir : le pouvoir effectif, en ce moment, en Turquie, appartient à l’armée ; les délégués du Comité, les Niazi-bey, les Enver bey, qui dictent leurs volontés au Sultan, nomment et révoquent les ministres, les généraux, les ambassadeurs, les valis, sont tous des officiers, des médecins de l’armée : c’est une franc-maçonnerie militaire qui, avec l’approbation du pays et l’aide de comités siégeant à l’étranger, s’est emparée du pouvoir et gouverne par ses délégués.