LA FORCE BULGARE 473 du reste de la nation ; ceux qui étaient Turcs ou Bulgares musulmans ont, pour la plupart, quitté le pays. Les terres vacantes ont été achetées, à bon compte, parles paysans qui les cultivaient; ils se sont endettés pour devenir propriétaires, mais ils s’acquittent, peu à peu, grâce à la Banque agricole bulgare. Ainsi a grandi cette classe nombreuse de paysans propriétaires qui forme presque toute la nation bulgare : les ouvriers d’usines ne sont que 6.000 sur 4 millions d’habitants. Les ruraux sont des travailleurs acharnés, tenaces, prolifiques; c’est une forte race qui exporte jusqu’en Amérique ses aptitudes spéciales à la culture et au jardinage. A Budapest, tous les jardiniers sont des Bulgares; autour de Constantinople, avant les bombes de 1903, ils étaient très nombreux; ce sont eux qui faisaient pousser ces belles fraises, gloire des maraîchers du Bosphore. Presque tous ont été chassés au moment des troubles; ils ont dû refluer en Macédoine ou dans la Principauté, et c’est en partie parmi ces déracinés que les bandes se sont recrutées. Les paysans bulgares ont gardé du passé une défiance invincible contre tout grand propriétaire : ce sentiment est si vif, dans certaines régions, qu’un capitaliste qui tenterait de réunir les éléments d’un grand domaine risquerait d’être molesté dans ses biens et même dans sa personne. Les dispositions de notre Code civil, cette « machine à hacher le sol, » introduites en Bulgarie en 1889, empêchèrent la reconstitution de grands domaines. Le tableau ci-dessous est très significatif à cet égard: il montre à merveille l’extraordinaire morcellement de la propriété bulgare. Le chiffre le plus considérable est celui des propriétaires possédant do 5 hectares à 1 hectares et demi. Le nombre total des propriétaires possédant plus de 100 hectares n’est que de 66 sur