LES NATIONALITÉS 135 d’elle-même a droit à l’existence, et qu’en un siècle d’émancipation et de résurrection nationales il est dangereux, et d’ailleurs inutile, de s’opposer au développement d’un peuple qui veut vivre ou de prétendre étouffer une langue, le mouvement rou-manisant ne serait pas devenu un mouvement antihellénique; les Yalaques auraient parlé le roumain sans cesser de savoir le grec; ils seraient restés fidèles à leur amitié traditionnelle pour un royaume qu’ils ont tant contribué à fonder et ils ne se seraient pas séparés du patriarcat œcuménique. Mais les Grecs, exaspérés par le schisme bulgare et par le mouvement slave en Macédoine, se demandaient avec inquiétude ce qu’il adviendrait de leur race s’ils laissaient croire que ces régions de l’Epire, de la Thessalie et de la Macédoine, revendiquées de tout temps par leur diplomatie au nom de l’hellénisme, sont en réalité peuplées de Yalaques. Ils crurent pouvoir arrêter dès son origine l’essor du rouma-nisme. Si tous les Valaques hellénisants reprenaient conscience de leur nationalité originelle et devenaient roumanisants, la cause grecque serait désertée par ses plus énergiques défenseurs : « l’idée » perdrait ses meilleurs propagandistes. Mais est-ce bien par la menace et par la persécution qu’on les retiendra? Le patriarcat du Phanar, à défaut du gouvernement d’Athènes, devrait comprendre qu’il ne saurait s’opposer longtemps à ce que des prêtres et des évêques roumanisants emploient une liturgie roumaine; comment ne serait-il pas obligé de tolérer pour les Roumains ce qu’il admet pour les Serbes qui ont en Macédoine deux évêques de leur nationalité? En se montrant libéral, le patriarcat aurait pu conserver dans son obédience toutes les populations valaques qu’il semble vouloir pousser à bout