LES NATIONALITÉS 101 mcme si on les accepte sans contrôle, ont leur éloquence ; et si l’on songe que ni les pillages, ni les viols, ni les incendies n’entrent ici en ligne de compte, si l’on se représente, d’autre part, les dimensions restreintes et la population clairsemée des trois vi-layets, il faut bien reconnaître que le calme et la sécurité sont loin de régner en Macédoine et que l’ère sanglante n’est pas close. Si nos journaux n’en parlent plus guère, c’est que le public veut de la nouveauté : des massacres chroniques ne sont plus d’actualité. Il est impossible de parcourir la Macédoine sans en rapporter une impression de malaise, de misère, d’insécurité. Les Occidentaux qui habitent le pays sont vite blasés sur le fréquent retour de crimes dont ils sont rarement les témoins directs et dans lesquels les responsabilités sont toujours contestées. Il en va tout autrement du voyageur que les voitures confortables de l’Orient-express transportent sans transition de France en Macédoine : ses sensations, avivées par le contraste, n’ont pas eu le temps de s’émousser, et ses premières émotions, pour être les moins rai-sonnées, n’en sont pas forcément pour cela les moins raisonnables. A peine a-t-il pénétré en territoire turc qu’il aperçoit, se profilant sur la monotonie du paysage, la silhouette, correctement immobile, le fusil sur l’épaule, d’une sentinelle turque ; tous les deux kilomètres, un petit karakol abrite un poste de soldats qui, avant le passage des trains, — iis sont heureusement rares, — inspectent le bon état de la voie; tous les tunnels, tous les viaducs, tous les ponts, sont gardés militairement ; si un rocher ou un coteau surplombe la ligne, il apparaît surmonté d’une sorte de chapiteau en paille dressé sur quatre perches, sous lequel s’abrite, droit sur ses jambes, comme